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Les voyages du Mayero

P comme Partie d'enfer

Voyage 2003

Mots-clés : mouillage

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Arrivés en fin de matinée, l’équipage du Mayero avait délaissé le quai venté et qui plus est, aménagé pour recevoir un groupe de musiciens. Sachant par expérience qu’en Méditerranée les nuits sont plutôt longues et bruyantes, nous préférons nous mettre au mouillage! Nous prenons le temps de choisir la bonne souille, d’effectuer virtuellement un cercle d’évitage d’une trentaine de mètres au moteur en prenant soin de vérifier les profondeurs. L’ancre est posée délicatement au centre de l’aire repérée ,sur fonds de vase molle, la meilleure pour notre «C.Q.R».

Essai d’accroche en marche arrière (quand c’est Chantal qui est à la barre, nous sommes sûrs que ça tiendra, vue l’énergie et l’opiniâtreté avec lesquelles elle maintient la commande en marche arrière toute…)

Tout est nickel chrome, la brise d’est de 4/5 n’a qu’à bien se tenir.

Le début d’après midi , comme souvent en Grèce, le vent forcit et tourne. Aujourd’hui il passe plein ouest et monte progressivement jus-qu’au fort coup de vent, voire tempête. La montagne blanche et aride, surchauffée par un soleil au Zénith déverse des rafales formidables pour réchauffer son amie la mer qui reste relativement constante dans sa température. Cet échange sympathique ne manque certes pas de charme et il occupe les équipages désoeuvrés qui pensaient pouvoir flâner et prendre du bon temps durant leur après midi. Le Mayéro , lui, semble s’amuser comme un fou: il se met travers au vent au plus fort des rafales, il gîte inexorablement , la chaîne se tend au maximum et des craquements sinistres couvrent pour un temps les hurlements du vent dans les haubans.

L’ancre résiste de son mieux… Puis le voilier revient tranquillement dans le lit du vent.

À ce jeu, l’équipage assez fataliste tente pour se rassurer de varier les données : un petit coup de chaîne en plus, démontage du taud puis des manches à air, remise du safran dans l’axe, saisie de tout ce qui peut l’être sur le pont. Il fait des relevés sur des points fixes à terre, les vérifie, les re-vérifie et reste sur le qui-vive, prêt à intervenir en cas de problème. En effet, Éole s’en donne à coeur joie et comme pour mieux tester les compétences des marins du Mayéro il envoie une belle survente de sud pour changer avant de venir au noroît presque dans la “foulée”.

Il faut rester vigilant: parfois, même si le fait est rare sur le Mayéro, l’ancre décroche. Il convient alors de démarrer le moteur, remonter le mouillage en catastrophe et rechercher un endroit encore plus sûr, ce qui est bien souvent illusoire dans de telles conditions. Un équipage de notre connaissance, pour s’être oublié dans une sieste réparatrice un après-midi en Turquie, s’est retrouvé échoué sur la côte proche…

Mais revenons à notre histoire. À 15 heures 30, c’est-à-dire 2 heures après le début du jeu, le capitaine du Mayéro réussit l’exploit de déposer les deux filles du bord sur la côte , sans encombre , et sans anicroche.

La situation a bien été anticipée, tous les gestes pensés en commun. Chacun a bien joué son rôle. Assumer un mouillage dans ces conditions n’était déjà pas facile. Mais c’était sans compter sur l’arrivée d’autres voiliers venus se réfugier dans la baie en raison du vent qui soufflait dehors: un français, puis un anglais, un suédois et un américain décident de se mêler à la partie.

Le français arrive le premier. Il ne salue pas et sans préliminaires se met en parallèle du Mayéro.

L’anglais sur un catamaran, très digne et un peu guindé nous salue et nous affuble au passage d’un joli compliment d’une voix forte “Nice sloop” (les filles du bord en feront des gorges chaudes durant tout le reste de la croisière …) Il fait le tour de la baie et après étude des lieux, vient mouilleràconsciencieusement pas loin du Mayero. Il est plus près de côte vu son tirant d’eau et ne représente aucun danger pour les autres bateaux en cas de dérapage.

Le suédois, un peu à la peine semble t-il, se met entre le français et le Mayéro.

L’américain qui a le plus gros bateau, arrive le dernier. Il tourne, tourne et retourne autour des trois voiliers , qui pour l’heure sont déjà engagés dans une partie d’enfer. Il montre de ce fait sa grande capacité de manoeuvre et les innombrables signes extérieurs de richesse qui prouvent à l’envi que nous avons affaire à un pro. Il prend son temps; il jauge la situation; après ce que nous supposons être de mûres réflexions, il juge que la meilleure place de cette partie de poker est juste devant le Mayéro. Comme cela, s’il dérape nous serons aux premières loges. Tout de même , soyons honnêtes, pour parer à toute éventualité, il garde son moteur en marche (ses moteurs , devrions-nous écrire, il en a deux). Il a beaucoup de gas-oil, l’américain, et sa fumée qui arrive sur le voilier derrière, en chasse les mouches (si tant est que par ce grand vent, elles aient envie de se promener à bord.

Le suédoisLe suédois décroche le premier. Il tente à plusieurs reprises de se replacer mais la partie est dure. Le français qui faisait son malin en nageant autour de son bateau, est obligé de remonter dare dare et va se placer devant l’américain. Ce qui nous met en bonne position pour recevoir ces messieurs en cas de décrochage général. Mais l’américain a toujours son moteur et il est dans son grand fauteuil derrière sa barre.

L’anglais flegmatique s’occupe, l’air de rien. Mais il veille.

Selon la force et la direction des rafales, l’américain se retrouve juste devant lui et le suédois qui vient de rejoindre le groupe, se retrouve devant le Mayéro, ou devant l’américain, à quelques mètres du français, c’est selon…

Aujourd’hui la partie est de grande qualité : à 18 heures 30, soit plus de 5 heures après le début des joutes, et ceci malgré la fatigue il y a encore de beaux gestes . Le français par exemple, vient de rater de peu l’américain et après un beau labourage et décrochage rapide, peine à revenir dans le jeu. Autre exemple, le Mayero: pour marquer son autorité, le capitaine sort avec l’aide précieuse de sa compagne l’annexe pour la deuxième fois, met le moteur et se fait tremper mais ramène les deux filles à bord en toute sécurité. Le français qui veut en faire autant n’aura pas cette maestria, son annexe sera retournée plusieurs fois, le moteur hors bord définitivement noyé.

À 22 heures 30 la partie est terminée. Grands perdants , le français (celui qui ne salue pas en arrivant): 5 ou 6 dérapages, une annexe retournée, un moteur hors bord en carafe. Le suédois a dérapé au moins autant de fois que le français mais il n’a pas perdu de matériel et la femme du bord a remonté l’ancre avec le guindeau manuel à chaque fois. (un peu macho, le suédois, constate Chantal!)

L’américain s’est mis hors jeu en utilisant son moteur tout le temps pour soulager son ancre. De plus il a essayé d’enfumer les autres concurrents pour leur faire lâcher prise. L’anglais a été constant et parfait mais il est arrivé assez tard dans la partie.

Grand vainqueur du jour, e Mayéro qui, non seulement a gardé la main tout au long de la partie, mais qui plus est, a réussi avec succès à sortir son annexe deux fois dans les pires moments, sans casse et avec classe. Surtout ne pas se griser avec cette belle prestation et rester concentrés pour être dans le coup pour les parties suivantes.

Chantal et Jean-Marie

Des filets de pêche sèchent sur le quai

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