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Les voyages du Mayero

La comédie humaine

Voyage 2000

Mots-clés : mouillage, Grèce, Ionienne (mer)

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LE DECOR

Imaginez un coin de paradis. A notre arrivée quelques voiliers tranquilles se dandinent gentiment sur une eau transparente. Des poissons curieux (et peut-être un peu gourmands) semblent accueillir les nouveaux venus. Les jeunes du bord se moquent maintenant des appréhensions que je nourrissais avant d’arrondir la pointe: pas de grosses vedettes, pas de caïques, pas de flottilles… Bref, un endroit magique! Les ancres sont bien crochées, les amarres à terre permettront au Mayéro de résister aux vents les plus violents. La première journée est calme et propice aux activités habituelles du bord: lecture, pêche, découverte sous-marine, jeux, bricolage… Un havre de paix donc, loin des tavernes bruyantes et de la circulation des villes. Seuls quelques chevreaux perdus dans le maquis troublent la quiétude ambiante. Malheureusement… Malheureusement cela ne pouvait durer!

ACTE 1

Au milieu de la deuxième matinée des pneumatiques arrivent en bande et déversent sur la plage proche, des italiens amoureux de la vitesse en mer et du chahut aquatique. Nous ne sommes pas encore trop inquiets. Ceux-là d’ailleurs sont plutôt calmes et repartent assez rapidement.

ACTE 2

Un peu plus tard, une immense vedette regorgeant d’engins multiples dont la seule vocation semble être de faire du bruit , de troubler les eaux calmes du lieu et de raser au plus près les autres bateaux au mouillage, j’ai nommé - les scooters des mers pour amuser les ados et les vieux en mal de sensations - les grosses annexes armées de gros hors-bord pour tirer bêtement un passager sur un ski avec une ficelle en lui faisant croire qu’il est à la montagne, ou pour promener les propriétaires afin qu’ils puissent jauger de haut les autres bateaux et faire leurs importants

Un des gros inconvénients de ces bateaux de luxe, inscrits pour la plupart sous pavillon de complaisance et menés par des équipages professionnels à disposition du moindre caprice de leurs patrons, c’est leur inévitable zonzon qui tourne 24 heures sur 24 pour fournir de l’électricité. Electricité si nécessaire pour faire fonctionner les moteurs des monte-charges indispensables à la mise à l’eau des engins décrits plus hauts, à la mise en place des passerelles, à l’éclairage du bateau la nuit, au moyen de dizaines d’ampoules, tout cela pour bien montrer aux autres qu’ils sont bien là, au lave-linge et au sèche-linge, au lave-vaisselle et aux fours électriques, aux chaînes hi-fi à fort volume pour éduquer l’environnement aux nouvelles musiques, aux guindeaux bien sur…etc…etc…

Mais ne soyons pas aussi méchants! Après un valse d’hésitations à nous faire frémir, celui-ci s’est mis à bonne distance. Ainsi qu’un second encore plus imposant. Nous n’aurons plus qu’à subir de temps en temps les engins maléfiques vomis par ces monstres quelque peu prétentieux et ennuyeux.

ACTE 3

Les bateaux de location. Aie! Ils se sont tous donnés rendez-vous ici aujourd’hui. Ils sont particulièrement redoutables. Leurs équipages n’ont généralement aucune idée qu’on puisse vivre sur un bateau. Par contre, ils s’imaginent que le seul lieu valable pour mouiller dans cette grande baie, c’est justement celui où nous sommes.

Nous restons polis mais méfiants et nous avons raison: entre ceux qui jettent leur mouillage en paquet et s’en vont tout de go à terre sans autre cérémonie, ceux qui visent le mieux possible notre ancre afin d’y poser délicatement la leur (quand ce n’est pas les deux…) et ceux qui oublient de respecter leurs voisins en mettant leur zizique à fond, il y a du ménage à faire! Mes indications sont fermes et mon anglais devient précis pour ces situations-là; les sourcils relevés, mon air pas commode et l’allure poséidonnesque dont je sais faire preuve nous permettent de préserver une soute de no man’s land, une bulle intime qui est vitale à notre harmonie et à notre équilibre. Mais nous avons eu chaud!

ACTE 4

Une flotille de bateaux de location«Papa, papa, j’ai vu un chef de flottille» ,annonce Marion d’une voix un peu paniquée. Alors là, la situation est grave, mais peut-être pas encore désespérée. En effet, vu notre grande expérience à ce sujet, nous savons que les flottilles préfèrent d’habitude les plages et pour en tenir compte nous avons mouillé très loin de cet endroit. Eh bien non, aujourd’hui justement la plage ne les intéresse pas. Allez savoir pourquoi? Le bateau phare de la flottille, à la fois guide,gentil animateur et très accessoirement enseignant, se dirige vers nous de façon tout à fait définitive. Il est reconnaissable aux drapeaux publicitaires qu’il porte en guise de foc. (D’ailleurs ils mettent rarement les voiles)… Quelques temps après une bonne quinzaine de voiliers rappliquent et se regroupent en rang d’oignons, parfois même sur deux rangs, comme à la parade. S’il n’y a pas trop à craindre des manoeuvres car le zozo du chef, qui connaît bien son métier en règle générale, prend en charge les nouveaux arrivants de main de maître, il faut redouter le reste…

Et le reste est sombre: VHF à fond, répercutée sur tous les bateaux; puis, pour ouvrir le corso, course de matelas pneumatiques où les concurrents sont encouragés à grands renforts de cris hystériques; ensuite à la tombée de la nuit, repas tonitruant et copieux à terre, musique bang-bang, les inévitables échanges d’histoires pas drôles présentées par chaque équipage et ponctuées de rires et de bravos qui, à la longue , deviennent de plus en plus lourds et gras, l’alcool aidant. A deux heures du matin, commencent les bains de minuit volontaires ou non, assortis de borborygmes aigüs et d’interpellations fortes. La pièce sera alors jouée et nos visages hagards, le lendemain matin, prouveront à l’envi que le spectacle nous aura laissé pantois.

Bon Mayéro, réveille-toi et fuis: tu connais trop bien la fin, va derrière l’autre île là- bas: une autre baie sera sans doute déserte, à moins que d’autres acteurs ratés décident de nous présenter à nouveau cette comédie, qui pour nous autres est loin d’être passionnante!

Jean-Marie

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