Nous avons jeté notre dévolu sur la magnifique baie de Panormou (« baie protégée de tous les vents » en grec ). Mais à bien regarder les instructions ensuite il est écrit que les fonds ne sont pas d’une tenue irréprochable et que les rafales sont très fortes en cas de vent de nord à nordet. Et bien justement c’est le cas maintenant et les bulletins qui s’enchaînent annoncent des vents de plus en plus forts, jusqu’à force 8. Les averses sont violentes alors qu’il n’était prévu au départ que des pissées de chien… Nous avons du larguer les deux amarres qui nous liaient à la terre, et ce malgré de nombreux essais successifs pour mettre le voilier face au vent. Nous avons reporté notre bonne pioche un peu plus loin dans la baie pour augmenter la longueur de chaîne et pouvoir étaler plus facilement les embardées du Mayero liées aux changements brutaux de la direction du vent. J’en ai encore l’épaule toute endolorie de ces allers retours sur la côte avec l’annexe… Maintenant nous sommes seuls et c’est tant mieux car il n’y a pas beaucoup de place dans l’anse.
Quatre heures du matin le deuxième jour, j’assume et je veille depuis 24 heures .Pas de passage de bateaux ni de sortie des petites embarcations de pêche aujourd’hui. Le Mayero lui, visite régulièrement le site : les paysages défilent à toute vitesse et les fonds passent de 9 mètres à 3 en quelques secondes,… A chaque survente le craquement sinistre du mouillage s’ajoute au grondement du vent dans les pins qui bordent l’endroit et au sifflement des haubans. C’est mon alarme : je m’extrais alors du bouquin que je lis , jette un coup d’œil à l’extérieur, suit le comportement du bateau, vérifie le sondeur … C’est pas pire… mais la force du vent surprend toujours quand elle n’est pas continue et cela fait du bien quand l’accalmie revient. Je replonge alors dans « Les Romans de la Mer et du Vent » de Roger Vercel, conseillé par mon copain Pierre. Je n’ai pas de mal à me remettre dans l’ambiance des grandes pêches morutières qu’il décrit. Cette nuit, je me régale avec « Au large d’Eden » et à un moment, le capitaine réfléchit à son rôle: Sans cesse dans son métier, il devait se demander « Suis-je, sommes-nous en sûreté ? » Il fallait à chaque instant raisonner la sécurité des hommes, la sienne. N’être jamais tranquille sans motif, cela seul fait les bons capitaines. Il passait sa vie à calculer les risques, à se défier de la mer, à prévoir les défaillances des hommes et des bateaux. J’adhère complètement à ce texte. Toute proportion gardée bien sûr, la vie en voilier suppose forcément un état d’esprit particulier fait de prévoyance, de vigilance, de prudence, de remise en cause permanente et de la prise en compte de ses forces et faiblesses ainsi que de celles de son équipage. Chaque voyage doit être un équilibre . J’aime cette vie faite de libertés et de responsabilités. Du coup je sais pourquoi je n’ai pas de mal à rester éveillé et je goûte d’autant plus à l’instant qui passe. Il n’empêche… Même si les mouillages sont très beaux dans ces îles, les prévisions météo pour les jours à venir ne sont pas bonnes et rien ne nous oblige à nous confronter sans arrêt à des conditions difficiles. Nous ne sommes pas tenus par un armateur à rester en mers dures pour ramener à tout prix le poisson qui fera sa fortune. Pas sûr donc que nous restions longtemps dans les parages ! Vendredi soir: nous sommes à Neo Klima: joli petit port bien sympa. La météo est meilleure que prévue: nous restons dans les îles encore quelques jours
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