Quelques grecs sirotent leur ouzo et leur petite assiette de mezzés en lieu et place de déjeuner (eh oui crise oblige). Nous sommes en cet endroit, car nous avons décidé de donner repos au coq du bord qui depuis une semaine a préparé tous les repas . (le coq est aussi le capitaine…)’. Les serveurs, quelque peu désœuvrés par les temps qui courent, sont ravis de notre arrivée et sont à nos petits soins. Les autres clients sont avenants et répondent à nos saluts. L’ambiance est agréable et nous goûtons pleinement ce petit moment que nous avons décidé de prolonger en prenant notre temps. Un peu plus tard, sans trop y prêter d’attention d’abord, nous remarquons dans la rue qui sépare le restaurant de sa terrasse, deux grosses berlines allemandes venues se garer . En sortent 5 messieurs à l’air important qui envahissent aussitôt l’espace, qui parlent fort, sans se soucier le moins du monde des autres protagonistes de ce lieu. En tenue faussement détendue, jean dernier cri et panama tout neuf, le ventre proéminent et orgueilleux pour certains, ils sont là et le font savoir. Le patron arrive en courant. Il s’adresse obséquieusement à l’homme qui semble être le chef. Celui ci, très sûr de lui, lui montre bien qu’il lui fait un grand honneur d’avoir choisi sa gargote, lui accorde une embrassade à la manière sicilienne et lui présente les « amis » qui l’accompagnent. Prenant le bras du maître de maison, il lui glisse quelques mots à l’oreille et celui-ci se tourne alors vers les deux serveurs qui se tenaient respectueusement à quelques pas en arrière et en trois mots, donne ses consignes. Ils s’animent alors à une vitesse phénoménale et en quelques instants ils amènent sur la table ouzos, tsipouros et une quantité incroyable de mezzés. Ensuite leur va et vient entre la cuisine qui se trouve de l’autre côté de la rue et la table de nos beaux messieurs sera quasi continuelle : ils installent le seau à glace sur une sorte de petit meuble, des belles bouteilles de vin blanc ; ils servent chaque convive en veillant à ce que leur verre soit toujours rempli ; ils disposent sur la table d’insoupçonnables « variétés(*) » en quantité exceptionnelle et clou de la fête, le patron traverse tout l’établissement pour présenter fièrement un immense poisson sur un grand plat ovale dont les filets avaient été levés et reposés de chaque côté de l’arête. (nous n’avions jamais vu cela en Grèce et surtout pas dans une taverna…) Bien sûr , nous sommes à l’instar des autres clients , totalement oubliés. Ce n’est pas grave le spectacle est de qualité : ces « invités de marque » ne prêtent pas vraiment attention aux soins dont ils sont l’objet. Visiblement ils ont l’habitude d’être bien servis. De toute façon, les deux principaux personnages téléphonent sans arrêt, se lèvent souvent de table pour poursuivre leurs échanges et quand ils se rassoient c’est pour expliquer aux autres l’importance de leurs coups de fil tout en envoyant des SMS, qui sans aucun doute leur revaudront immédiatement un autre appel. Les trois autres n’en prennent visiblement pas ombrage et en profitent pour échanger d’une voix forte leurs idées. Très vite un fabuleux dessert glacé est disposé auprès de chacun des convives, aussi vite servi, aussi vite avalé. Cela y est, c’est fini ! Ils se lèvent, le patron accourt et les accompagne tout courbé à leurs voitures. Pas de note , pas d’échange d’argent. C’est magique. Nous aurons une “loghariasmo” (**) assez conséquente, pas de « gliko (***) » comme c’est souvent la coutume dans ce type d’établissement. Le tenancier, peut être conscient de la manière un peu cavalière dont nous avons été traité, vient demander si tout s’est bien passé. Amusés, nous lui répondons avec un sourire entendu « efkarristo, kala, kala(****) ! ». Il paraît un peu rassuré. Un des grecs encore présent nous fait un clin d’œil, nous lui répondons .
Qui étaient donc ces messieurs ? Des hommes d’affaires, des politiques, des mafieux… Peu importe pendant que certains grecs en bavent, d’autres se la coulent vraiment douce. Il n’y a pas d’exception dans ce pays .
(*) variétés sorte de mezzedes mais sous forme de plats plus conséquents
(**) addition
(***) gliko sucrerie, dessert
(****) c’est bien
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