Menu
Les voyages du Mayero

Apnée: quelques conseils aux marins intrépides

Je souhaite être informé(e) de vos prochaines publications

...récupérer sur des fonds pas trop profonds la belle vaisselle tombée malencontreusement d’un beau voilier ancré avant nous, accompagner un ami à la pêche au poulpe et pour nettoyer la coque, surtout quand, dans notre cas nous avions laissé, à plusieurs reprises, le Mayero à l’eau deux ans de suite… A vrai dire, j’ai toujours effectué cette activité à l’arrache et parfois je pense avoir pris des risques : masque s’emplissant d’eau, difficulté à remonter, à plonger au bon endroit, gros essoufflement entre chaque plongée, tremblements et sensation de froid après un travail de carénage au printemps… C’est pourquoi j’ai demandé à mes garçons quelques conseils pour réussir mon apnée et j’ai envie de les partager.

  • La présence d’un binôme, dans l’eau, prêt à intervenir, devrait être la base de toute plongée… le phénomène de syncope (perte de connaissance de courte durée) est l’une des causes majeures d’accident d’apnée… à la reprise de connaissance, le plongeur a le réflexe de respirer et se noie. Le binôme permet de ramener en surface le “syncopé”, de maintenir ses voies aériennes hors de l’eau jusqu’à la reprise de sa respiration, puis le ramener au sec pour continuer d’administrer les premiers secours et signaler l’accident . Le binôme permet aussi de prévenir tous les autres accidents liés à l’environnement : piqûres au contact d’organismes marins, accrochage dans le fond (cordage, grotte, coque ou hélice de bateaux, etc.), Mais sur le Mayero, la capitaine n’est pas à l’aise là où elle n’a pas pied…De plus s’il faut intervenir en pleine en pleine mer quand l’équipage se compose de deux personnes, comme c’est souvent le cas sur le Mayero , on ne peut pas se permettre que le deuxième quitte le navire pour aller à l’eau. Donc une solution possible serait que le plongeur ou apnéiste soit attaché à une corde tenue par la personne qui est sur le bateau, pour l’aider à remonter en cas de malaise. De toute façon il est important d appliquer au mieux les précautions qui suivent…

  • Être relaxe, c'est à dire avoir vérifié le matériel à l'avance et ne pas céder à la panique en cas d'urgence. (facile à dire et à écrire mais quand le bateau dérive dans la pétole avec le courant qui porte vers les écueils et un filet dans l'hélice, le capitaine du Mayero a bien du mal à garder son calme... et pourtant maintenant que je le sais, il le faut!)

  • Une fois dans l'eau, utiliser le moins possible ses jambes car ce sont elles qui ont le plus de muscles et qui donc consomment le plus d’oxygène;

  • Ventiler profondément et lentement plusieurs fois, éviter le principe de l’hyperventilation (augmentation du rythme de respiration pour accumuler et compresser plus d’oxygène) qui pourrait être dangereux;

  • Pour la descente privilégier le plongeon canard : prendre son élan les mains tendues devant, au-dessus du but pointer les genoux puis pointer le but, le corps se mettra naturellement à la verticale. Palmer lorsque le corps est totalement dans l'eau (voir schémas);

  • Équilibrer ses oreilles, tôt, dès l’immersion de la tête, et autant de fois qu’il le faut pour éviter de ressentir une gêne. Si ça bloque, ne pas forcer ou continuer de descendre, pour éviter de blesser vos tympans. Remonter en surface et se moucher à la turque. Plusieurs méthodes pour équilibrer les oreilles : en déglutissant, ou en avançant la mâchoire inférieure, sinon avec la manœuvre de Valsalva (en se pinçant le nez, en soufflant dedans en douceur, afin de ressentir que ça équilibre les 2 oreilles);

  • Au fond utiliser le moins possible les jambes sauf pour remonter avec des mouvements amples en pointant son poing vers la surface, vers une bouée par exemple mise à cet effet. Avant d'arriver en surface, chassez l'eau du tuba en soufflant une bulle;

  • Aussitôt en surface, avant d’engager une conversation, de rechercher un outil ou de remonter à bord, se ventiler profondément pour remplacer le gaz carbonique accumulé par de l’oxygène. Pour vérifier si vous êtes essoufflé: essayer de retenir sa respiration pendant au moins 5 secondes; si cela n'est pas possible, c'est qu'il vous faut effectuer des expirations longues. Prenez garde, le retour à la surface ne signifie pas que tous les risques sont écartés, une syncope peut encore intervenir dans les premières secondes ;

  • L'ennemi numéro 1: le froid. Il faut sortir immédiatement si vous ressentez des frissons ou que vous avez la chair de poule. (C'est un conseil que j'ignorais totalement auparavant et pourtant en début de saison travailler en apnée dans une eau à 13°pendant 3/4 d'heure, et ressortir tout grelottant et au bout du rouleau, ce n'était vraiment pas raisonnable...). L’idéal est d’avoir une combinaison de plongée adaptée à votre corps (c’est-à-dire qui colle à la peau sans pour autant vous comprimer et vous empêcher de respirer, à sélectionner avec un spécialiste). Comme c’est par les extrémités, que sont les pieds, les mains et la tête, qu’on se refroidit le plus rapidement, idéalement elles devraient être protégées.

  • Si c'est possible, éviter de plonger pendant les périodes de digestion ou après la prise d’alcool, et ne pas se mettre brutalement à l'eau après un bain de soleil, y aller très progressivement;

  • Pour se déplacer en surface, ne pas palmer en dehors de l'eau, c'est moins efficace et plus fatiguant (et moi pendant longtemps qui aie cru que c'était le contraire, et qu’en plus c'était plus spectaculaire, dommage...). Il convient sous l'eau de palmer tranquillement, les jambes assez allongées ;

  • Enfin chaque plongée est différente : l’environnement et le corps ne sont pas toujours dans les meilleures conditions, ne forcez donc pas et ne recherchez pas à toujours reproduire vos meilleures performances !

Précautions à prendre en cas de courant ou de vent : poser une bouée avec un plomb de sonde et un bout. En tous cas il est préférable, voire indispensable d'être deux plongeurs surtout si vous vous éloignez du bateau et au moins un observateur auprès du voilier. (Je sais, je sais ce n'est pas toujours possible, surtout quand on navigue en solitaire...).

Il est aussi toujours préférable de partir contre le courant, pour forcer à l’aller plutôt qu’au retour.

Petites astuces : Dans le cas particulier du nettoyage de coque, je fais courir tout le long du Mayero une ligne flottante pour m'accrocher et je laisse flotter une ligne de secours en arrière du bateau avec une bouée à l’extrémité pour l’identifier. De plus, j'utilise des poignées à ventouse bien pratiques pour reprendre tranquillement ma respiration. Les outils ont tous une longue dragonne afin de me libérer les mains pour me mouvoir.

Matériel

  • Le masque doit être de bonne qualité avec un verre trempé . Au moment de l'achat faites des essais, il doit tenir seul quand vous respirez par le nez (pendant ces opérations prévoir le récupérer avec les mains en sécurité à la fin de l'inspiration...). Pour l'entretien, vous pouvez l'enduire de vaseline sans en mettre sur la vitre, car cela pourrait favoriser la présence de buée par la suite. (personnellement je le talque pendant l'hivernage). Pour préparer le verre avant la plongée, ne pas le mouiller mais appliquer la salive sans la diluer. Si cela ne marche pas, vous pouvez nettoyer la surface avec du dentifrice qui peut même remplacer la salive... Si vous avez des marques du masque sur le visage après votre plongée, c'est qu'il était trop serré. La présence de moustache et de barbe peut causer des petites fuites d’eau, qui obligent à vider le masque un peu plus souvent. Les barbus comme moi sont des vrais handicapés pour la plongée mais il faut savoir souffrir pour être beau comme un dieu grec...

  • Choisir un tuba simple, avec un tube court, plus facile pour évacuer l'eau, et un bon diamètre intérieur, approximativement de la taille du pouce;

  • Les palmes: l’idéal serait de les essayer (en piscine) avant achat (*) et de choisir un modèle avec bottes de plongée, pour éviter l’irritation, protéger les pieds et la perte de chaleur. Éviter de les prendre trop justes : si le pied est squeezé dans le sens de la largeur ce n’est pas confortable à la longue et cela peut générer des crampes.

    (*)par exemple Emmanuel me faisait part qu’au Québec certaines boutiques qui ont accès à une piscine permettent aux acheteurs d’essayer leurs équipements en piscine et de les échanger si ça ne fonctionne pas.

  • La combinaison. La combinaison doit idéalement coller à la peau, sans comprimer le corps, pour limiter la circulation de l’eau au minimum.

    Trop longtemps j'ai plongé sans combinaison, sans cagoule, sans gants. Quelle erreur! Surtout pour de longs travaux en début de saison quand l’eau est plus froide ou lors des balades découvertes le long du rivage avec apnées régulières. Dans un premier temps je me suis muni d'une cagoule: la tête est protégée et elle représente près du 1/4 des pertes caloriques du corps. Mais quel changement quand Chantal m'a offert une combinaison complète: plus de frissons même après de longs séjours dans l'eau.

    Pour une intervention en urgence privilégier la cagoule. Il faut savoir que dans l’eau le corps se refroidit 25 fois plus vite (et qu’il perd sa chaleur plus rapidement par ses extrémités).

  • La ceinture de lest. Elle doit pouvoir être larguée d'une seule main (la droite) en cas de problème. Prendre alors la boucle dans la main gauche, la transférer dans la droite . Attendre qu'elle soit en position verticale en l'écartant du corps et laisser tomber… Pour trouver le bon lestage, positionnez-vous à la verticale, vos voies aériennes devraient toujours être en dehors de l’eau, mais quasi à la surface. Plus hautes, vous forcerez beaucoup plus pour descendre en profondeur et aurez du mal à vous stabiliser. Mais plus basses, vous forcerez plus lors de vos phases de remontées et de récupération en surface pour vous maintenir hors de l’eau. Et en cas de soucis, mieux vaut larguer et perdre votre ceinture, que de mettre votre vie en danger.

  • un couteau pour se dégager

De mon point de vue pour être prêt à intervenir en urgence, il vaut mieux s'être essayé à de nombreuses reprises , commencer en piscine ( conseille Emmanuel) et bien connaître son équipement, son emplacement et l'entretenir régulièrement.

Ces conseils ne sont pas exhaustifs et j'espère que leur parution permettra par le biais des commentaires d'apporter bien d'autres compléments. A noter également que l’objectif de ce texte était de sensibiliser et de donner quelques recommandations pour la pratique de l’apnée, mais qu’il n’engage à rien en cas d’incident,et bien sûr n’a pas vocation à remplacer un cours d’apnée pour pratiquer cette activité de façon « sécuritaire », comme disent les québecois.. Enfin si le risque est réel, rien ne doit entamer la notion de plaisir et chacun reste responsable de ses décisions.

Je remercie tout particulièrement mon fils Emmanuel, plongeur professionnel, qui m'avait donné plein d'enseignements lors d'une dernière rencontre à l'aéroport de Montréal juste avant mon départ et Nicolas, amateur très éclairé en apnée, lors de son séjour à bord en 2017. Je leur ai soumis un premier écrit qu’ils ont largement amendé et ceci a été l’occasion d’avoir tous les trois de nombreux échanges par internet. Merci également à Jean qui m'a permis d'approcher la plongée en bouteille dans son joli coin de Bretagne

7 commentaires

Author avatar

Rédigé par David le 25 janvier 2019

Vraiment intéressante cette dose de rappel Merci bcp
Author avatar

Rédigé par Ferrari François le 25 janvier 2019

Bonjour. Vraiment bien intéressante cette partition. Je me permettrais d'apporter quelques remarques et expériences. Avec l'âge, moins intrépide, plus sage, et capacités physiques bien réduites, donc adaptabilité. Si à 18 ans je descendais tranquillement à 20m, prenais mon temps pour fouïner les anfractuosités...,je suis heureux actuellement quand je touche les 8m. J'hésite à me lester (ou de moins en moins_ une appréhension?) même si largage facile. Depuis mes soucis de genoux, j'ai trouvé des palmes moyennes avec écoulement central chez Décathlon. Certes moins efficaces que les longues que j'ai reléguées au fond d'un coffre mais qui ne fatiguent pas outrageusement. Depuis une frayeur à Stintino (Kirié), avec des mouvements de fond, mon pied s'est pris dans l'orin de l'ancre que j'essayais de bien enfouir à la main (peaufiner l'angle). Depuis systématiquement couteau de plongée au mollet (et, peut-être exagéré un autre petit au bras). Toujours même époque: Bout errant dans l'hélice (bien sûr avec vent, cause d'un c...ard mouillé trop près. 2h pour dégager l'arbre à 3h du matin (lampe étanche pas pratique à tenir_maintenant les frontales pour avoir les deux mains libres), avant de redémarrer le moteur et s'éloigner du danger. Actuellement j'ai installé un petit projecteur à leds collé sous la jupe (qui fonctionne par convection: pas de trou dans la coque). Le binôme: certes pour moi se limite une éventuelle surveillance de mon équipière. Une fois, en Corse un ami m'a accompagné (il ne descendait qu'à 5m), j'ai tiré une murène d'1,50m à 12 m de fond. En accompagnant ma remontée il a voulu tirer sur la bestiole qui de débattait et a faillit m'atteindre (il vaut parfois mieux être seul que...) Autre événement: deux lignes de traîne de 100m (babord- tribord); un brutal changement de direction de vent, virer, et...on remonte une ligne, l'autre coincée; quille, hélice? Il faut plonger (2600 m de fond...Certes psychologique pour l'équipière, mais ce serait 10m, l'opération reste identique_sinon qu'on ne voit que du bleu et moins bien). A sec de toile, un cordage amarré au bateau passé sous les aisselles. La ligne s'était prise dans la quille et dans l'hélice_heureusement que sous voile je bloque l'hélice en marche arrière pour éviter sa rotation. Pour ce qui est des tympans, j'essaye de bouche le nez et d'envoyer par les oreilles.si ça ne marche pas, je n'insiste pas, je remonte et recommence (c'est surtout en début de saison, après ça va). Petite anecdote, l'année dernière, j'ai récupéré à 10m une ancre de 20Kg. La dame d'un assez gros bateau moteur remonte le guindeau; l'ancre arrive au davier, et plouf...Il est partit (pas de deuxième mouillage...)j'ai relevé son immatriculation et vu la direction qu'il prenait. J'ai plongé, repéré difficilement l'ancre dans les algues. Je suis revenu avec un orin et une bouée, et remonté le tout sur l'annexe (sous les yeux envieux d'autres plaisanciers mal intentionnés). J'ai appelé par VHF puis par téléphone le port où il semblait se diriger, confirmation, il est revenu 2h plus tard pour la récupérer (avec un excellent champagne). Je lui ai conseillé de 1) frapper un bout entre son ancre et le 2°ou3° maillon de sa chaine, 2)de peindre son ancre, et accessoirement (ce que je fais) 3)un flotteur de pêche peint de couleur vive fluo sur une garcette d'1m, qui permet de repérer facilement en plongeant l'emplacement s'il y a des algues. ( à défaut d'oringuer). Voila pour ce matin; bien de préciser la cagoule même pour le cerveau d'un mollusque c'est plus confortable. Bravo encore aux contributeurs de cet article. A bientôt. Bises vous. François
Author avatar

Rédigé par Manou le 28 octobre 2018

Concernant les oreilles, qui devraient être la priorité du confort lors des descentes, effectivement les trompes d’Eustache permettent l’équilibrage des oreilles internes (et par de fait des tympans). Pour certains, dont je fais partie, les trompes d’Eustache peuvent facilement se boucher à cause d’une sensibilité (au pollen, mini allergies...), d’une congestion ou de l’air climatisé qui peut provoquer la création de mucosités. Parfois il faut attendre de s’acclimater 1 ou 2 jours, et vous pouvez ajouter dans votre kit d’apnée un décongestionnant à base d’eau de mer, ou simplement utiliser directement l’eau de mer, en faisant attention de ne pas vous étouffer.
Author avatar

Rédigé par lechartier jean le 26 octobre 2018

Ben après avoir ce billet, je n'ai rien à ajouter ou retrancher si ce n'est insister sur l'utilisation au moins d'un bonnet. Vous verrez ça change tout. Il est primordial que le cerveau reste à 37 degrés pour être opérationnel
Author avatar

Rédigé par Nico le 26 octobre 2018

C'était vraiment sympa d'écrire ce billet à 6 mains… bonnes plongées à tous !
Author avatar

Rédigé par celine le 25 octobre 2018

ha bah la, vous (les marins intrépides) n'avez plus droit a l'erreur, vous avez tous les elements importants et il vous suffit de suivre tous ces bons conseils! comme quoi, il n'y a pas d'age pour apprendre des nouveaux trucs ;-) bonnes et safe plongees
Author avatar

Rédigé par jylera le 24 octobre 2018

Ne pas oublier Eustache ! Je suis légèrement handicapé du coté de la trompe dite d'Eustache qui a une prétention assez forte à se boucher, donc équilibrage difficile ou impossible. Il y a 38 ans, plongeant dans 6-7 m d'eau à la recherche d'une assiette ayant échappé à ma vaisselle, je m'éclatais le tympan ! ouille ouille ouille... Depuis, je ne plonge plus et me contente d'observer, de la surface les petits poissons ou la salissure de la coque jamais conséquente car hiverné à sec... De plus, j'ai investi dans ce crochet coupe fil plastimo que je peux éventuellement fixer au bout d'une gaffe pour atteindre l'hélice sans plonger...http://atoutnautic.fr/blog/article/1628. Notre vie vaut encore plus que celle du navire ?

Les commentaires sont clôturés pour éviter le spam. Veuillez utiliser le formulaire de contact si vous souhaitez nous envoyer un petit mot.

« »