Vers 3 heurs du matin nous sommes réveillé par le sifflement du vent dans les gréements et par les forts coups de gîte du Mayero. L’équipage est vite sur le pont et nous ne sommes pas les seuls. Malheureusement il n’y a personne sur le 56 pieds juste au vent de notre voilier et il s’appuie méchamment sur notre tribord. Ce qui nous inquiète n’est pas tant la force du vent qui augmente de minutes en minutes mais ce bateau , qui a déjà rompu sa pendille il y a peu de temps dans les mêmes conditions. Si cela se renouvelle, nous ne donnons pas cher de notre sloop. Son franc-bord dépasse le notre de plus d’un mètre et, de construction assez ancienne , il est vraiment très lourd. Son skipper, la veille, m’avait affirmé que si Eole se fâchait du sud-est il quitterait l’endroit pour un mouillage dans la baie. Vœu pieux, l’oiseau est absent. De toute façon , il est trop tard, il ne pourrait partir. Les copains sur les autres voiliers que je vais voir rapidement, s’ils n’ont pas nos soucis, n’en mènent pas large. Nous avons du mal à communiquer dans ce bruit assourdissant et les embruns ont tôt fait de nous tremper. Je double les amarres , tout en me rendant compote que cela ne servira pas à grand chose : notre pendille ne soutiendra pas le poids du Zig Zag ( cela ne s’invente pas) et comme Georges, un propriétaire de bateaux de locations, me le décrit , tous les bateaux sous le vent vont morfler. Les rafales ne faiblissent pas et que je vois la pendille de notre voisin raguer de plus en plus sur l’arête contondante de sa delfinière, je demande à Chantal de préparer un sac avec les papiers et les effets indispensables au cas où l’inévitable surviendrait. Elle s’en étonne, car c’est la première fois que je prends cette décision, mais elle fait vite le travail. Un peu plus d’une heure plus tard , le vent faiblit légèrement, un répit pour prendre des nouvelles. Comme le déclare Pierre qui vit à l’année avec sa femme sur son RM , il n’y a plus rien d’autre à faire que de croiser les doigts. Sa femme a constaté une hausse de 2 points de baromètre en très peu de temps après le pic de l’épisode. Un autre français nous annonce 46 nœuds, pour le moins, car il n’a pu toujours regarder son anémomètre! Par la suite, nous dormons par quart d’un sommeil en pointillé. Et nous faisons bien, il y aura encore deux autres moments aussi épicés quelques temps plus tard. Cette fois le skipper du Zig Zag est arrivé. Il admet sa responsabilité : il n’avait pas pensé que cela serait si violent. Il rajoute une patte d’oie sur sa pendille tout en sachant que n’est pas d’une grande efficacité et , au moment d’une accalmie, se fait aider par la capitainerie pour mouiller une ancre en soutien. Bien qu’il fasse jour, le deuxième épisode nous parait aussi démesuré que le premier. Un des bateaux de location rompt ses amarres et s’abîme le long du quai. Nous ( les équipages proprios tentons d’intervenir du mieux que nous pouvons, mais la force du vent est trop importante. Coups de téléphones du skipper du Zig Zag. C’est l’affolement parmi les responsables de la flottille que nous voyons, pas mal de temps après, accourir pour gérer le problème. Mais la coque a déjà pris des mauvais coups, et le moteur ne démarre pas. Après de longues, longues minutes de bagarre, le Jeanneau 45 pieds est largué , le moteur est à fond et nous l’entendons miauler, malgré le bruit ambiant. Il rate de peu le quai de sortie mais arrive sans encombre un mouillage moins tumultueux dans la baie. C’était moins juste !!! Lola, un Dufour 40 français, récupère du coup une deuxième pendille. Nous en avons presqu’oublié que notre situation n’est pas du tout réglée. Il faut croire que les bricolages du gars du Zig Zag ont été suffisants, car la fin du coup de vent n’apportera pas de changements notables. Le dernier épisode, en fin d’après midi ne sera qu’une formalité pour nous : notre gros voisin est parti poser son ancre loin de nous. Il sera remplacé par un petit 37 pieds de location dont nous avons pris l’amarrage en charge. Lui ne nous posera pas de problème. Pour la petite histoire, les anglais à bord, qui devaient rendre leur bateau le soir même, venait visiblement de se faire la frayeur de leur vie en venant du port voisin. Blancs comme linge, hébétés, mal remis , l’un deux, le plus jeune et peut-être le plus mal en point, balbutiait seulement « forty knots, forty knots »
‘Nous sommes restés au port pour attendre Jacques et fêter la fin de ses ennuis de moteur. Morale de l’histoire: rien ne vaut un bon mouillage même mouvementé.Deuxième enseignement: la traversée de la mer Egée réserve toujours des surprises!!
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